« La grande force des Geiq réside dans l’accompagnement »

Rencontre avec un homme engagé depuis toujours dans la formation professionnelle et l’inclusion, un expert en éducation qui met ses convictions au service des autres. Homme d’action et de réflexion, Thierry Teboul évoque longuement le grand potentiel d’emplois dans les domaines du sport et de la culture, secteurs en tension dans lesquels les Geiq s’investissent de plus en plus. En pleine période des Jeux Olympiques de Paris 2024 et des multiples festivals artistiques d’été, Thierry Teboul insiste sur les opportunités d’emplois pérennes que recèlent ces deux secteurs professionnels aux fonctionnements atypiques. Il dit également compter sur le réseau Geiq, partenaire historique, pour accompagner ce développement.

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Qu’est-ce que l’AFDAS ?

Thierry Teboul : L'AFDAS est un opérateur de compétences (OPCO) dont le rôle est de conseiller et financer les projets de formation des branches et des entreprises. Elle assure notamment le financement des contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Le 1er avril 2019, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, l'AFDAS devient opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement. Pour autant, même si son champ d’action s’est élargi, elle a conservé son nom originel.

 

Les missions de l’AFDAS sont multiples, quelles en sont les principales ?

Je vais être synthétique ! Trois missions principales sont dévolues à l’AFDAS :

  1. Observation prospective de l’emploi pour les différentes branches.
  2. Ingénierie des parcours de certification, afin de déterminer de quels types de diplômes nous aurons besoin dans un avenir proche et étude des parcours pédagogiques qui pourront répondre aux attentes de nos branches professionnelles.
  3. Financement. Ainsi nous engageons quelque 800 millions d’euros par an, dont 65 à 70 % sont dévolus à l’alternance. L’AFDAS est un opérateur et, à ce titre, doit pour ses bénéficiaires faire office de simplificateur, de facilitateur. En clair, comment transformer le complexe en très simple. Pour cela, nous nous appuyons sur 25 implantations territoriales avec environ 340 salariés qui informent, communiquent, conseillent et accompagnent nos 120 000 adhérents, dont des publics spécifiques comme les intermittents du spectacle, les journalistes pigistes ou encore les sportifs de haut niveau.

 

Les Geiq sont notamment présents dans les secteurs du sport et des loisirs, mais aussi dans celui du spectacle. D’après vous et vos remontées de terrain, quels sont les métiers les plus recherchés dans ces secteurs ? Et quelles sont vos actions pour promouvoir ces métiers auprès du public ?

Ces secteurs présentent deux dénominateurs communs. Le premier est qu’ils recouvrent des emplois aux rythmes particuliers, discontinus, fractionnés, et fonctionnent selon des « économies de projet ». La formation entre les différentes missions réintroduit de la continuité, dans des secteurs d’employabilité complexe, CDD, temps partiel, multi employeurs, intermittence… Second dénominateur commun : ce sont des métiers attractifs, des métiers passion, dans lesquels il faut vraiment revoir ce qu’on appelle la promesse employeur, le pacte qui va lier les deux parties. Il y a une prise de conscience de cela et la nouvelle génération y est très sensible. Même en cas de passion avérée, les représentants de la génération Z n’acceptent plus de travailler à n’importe quelle condition. L’AFDAS a son rôle à jouer dans ces nouvelles relations, via des actions ciblées comme récemment le Grenelle des métiers du sport. Il est beaucoup question de l’inclusion par le sport. Nous sommes en train de monter le même type de dispositif concernant le milieu de la culture. N’oublions pas que l’inclusion a pour vertu une diversification des publics. L’idée, désormais, que ce soit en sport ou en culture, est de parvenir à concilier passion et parcours ou carrière professionnelle, notamment grâce à la formation. Nous communiquons beaucoup sur ces secteurs, afin de faire la promotion de métiers pas toujours connus du grand public, des belles opportunités qui existent, toujours avec des formations qualifiantes à la clé.

 

Y a-t-il des métiers en tension quant au recrutement, si oui lesquels ?

Oui, aussi bien dans les métiers du sport que dans ceux de la culture. Dans le domaine de la culture, on manque par exemple de machinistes pour le théâtre. Un exemple emblématique, qui concerne pourtant une grande institution réputée : l’Opéra de Paris. Il a fallu deux ans pour recruter des électriciens ! Vu les Jeux Olympiques de cet été, cela relève du miracle que les festivals culturels puissent recruter suffisamment de personnels, tellement il en manque dans des catégories déjà en tension en temps ordinaire… Dans le domaine sportif, on manque d’éducateurs et d’animateurs, c’est vraiment compliqué, tant l’orientation des jeunes est soit subie, soit mal traitée, avec de mauvaises informations… Ces recrutements, je le redis, passent aussi par plus d’inclusion de profils inhabituels, atypiques, source de grande richesse humaine et professionnelle. À cet égard, je cite souvent le secteur de l’hôtellerie de plein-air, très novateur et en tension depuis des années, qui a parfaitement su saisir cela en recrutant et formant des personnes auparavant écartées. Nous avons l'exemple en Occitanie avec l'accueil des réfugiés, le tout rendu possible en grande partie grâce aux financements de l’AFDAS. Il existe aujourd’hui deux Geiq dans le secteur culturel, je pense qu’il faudrait les développer car, on le voit, les besoins sont immenses, et la force des Geiq est l’accompagnement. Car si on trouve toujours de l’argent pour former les jeunes, trop souvent cela pèche ensuite dans leur accompagnement.

 

Comment l’AFDAS s’est-elle impliquée dans les Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

Nous avons saisi cette opportunité de plusieurs manières. D’abord en établissant une cartographie de tous les métiers qui interviendront aux JO, sous la forme d’un abécédaire. Ensuite, avec un peu d’ingénierie et avec la mise en place de certifications sur des métiers ciblés. Enfin, pas mal de communication sur les métiers qui recrutent, en essayant de mettre en scène le sport de manière différente, inhabituelle, afin de susciter émotions et attractivité. Car il faut également penser à l’après JO, avec ses effets sur le nombre de licenciés qui viendront grossir les rangs des clubs. On connaît très bien ce phénomène, après une coupe du monde de foot ou de rugby. Mais là, cela impactera bien plus de disciplines. Nombre de clubs, faute de possibilités d’accueil et d’encadrants, seront contraints de refuser du monde, c’est dommageable. Pensons également que le sport ne concerne pas que la compétition ou les personnes valides, que les besoins sont conséquents en sport adapté, en sport santé également, comme dans les EHPAD, par exemple. Pour revenir aux JO, depuis 2022 l’AFDAS a engagé 300 millions d’euros chaque année sur sa seule branche du sport, dans une logique d’anticipation des post JO. Cette somme conséquente a été essentiellement dédiée à la voie spécifique de l’apprentissage. Ainsi, ce sont environ 20 000 apprentis qui ont été formés dans le sport en 2023 ! Pour l’anecdote, nous étions quasiment à zéro apprenti en 2019… Ce n’est pas anodin !

 

Les Geiq sport et animation se sont beaucoup développés ces dernières années et, aujourd’hui, on en recense 16, répartis sur tout le territoire, en métropole et outre-mer. Comment l’AFDAS accompagne les Geiq dans leur développement ?

Notre partenariat avec les Geiq n’est pas nouveau, il remonte à longtemps et tout se passe plutôt bien ! Les bases sont solides, nous apprécions le mode de fonctionnement des Geiq, notamment tout ce qui concerne l’accompagnement, qui est fondamental. C’est pour le moment dans le sport que notre partenariat est le plus prégnant, mais cela va se développer avec la culture, même si nous partons de loin. Ainsi, en 2023, sur 574 contrats de professionnalisation signés par les Geiq dans ces deux secteurs, 494 concernaient celui du sport et des loisirs. L’AFDAS intervient sur les financements des formations, les conseils, les études… Nous aidons les Geiq autant que faire se peut, car au-delà du financement nous partageons une ambition commune, celle d’être des acteurs de l’inclusion socio-professionnelle, de la cohésion sociale et d’un système de formation sous forme d’alternance.

A propos de Thierry Teboul

Directeur général de l’AFDAS depuis septembre 2013, Thierry Teboul a fait la majeure partie de sa carrière dans le monde de l’éducation et de la formation professionnelle, après un début de carrière dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques. Avant de diriger l’AFDAS, il a notamment été enseignant en sciences politiques à l’université Paris-Nanterre, avant de diriger le pôle apprentissage-alternance du groupe IGS (fédération d’associations à but non lucratif). Il est par ailleurs l’auteur d’ouvrages et de contributions diverses sur les dynamiques managériales et les processus d’apprentissage. Derniers ouvrages parus : Le Grand Livre de la Formation (3e édition, Dunod, 2020) et Formation : la nouvelle donne. Tout ce qui change avec la loi « Avenir » (Dunod, 2019). En décembre 2023, il a été élu président du GIE interfinanceurs D20F (Datadock), organisme qui regroupe les financeurs paritaires de la formation professionnelle.