La VAE inversée, un nouvel outil au service de la valorisation des compétences

Dans l’Aisne, le Geiq EPE (Entreprises porteuses d’emplois) est un des premiers à expérimenter le nouveau dispositif « TraGeiqtoires », basé sur la VAE inversée. Une autre manière de procéder, un nouvel outil qui vient compléter la palette des moyens destinés à insérer dans le monde du travail différents publics souvent éloignés de l’emploi. Dans les Hauts-de-France, sur un territoire économiquement et socialement compliqué, la VAE inversée a notamment permis à deux jeunes de 17 ans de ne pas se retrouver sans possibilité de travail alors qu’ils étaient tout juste sortis de l’école… Explications.

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Engoncés dans leurs doudounes, Noah et Valentin sont un peu timides, assis côte à côte autour d’une grande table de réunion. Ces ados de 17 ans n’ont pas l’habitude d’être ainsi au centre de l’attention d’adultes ! Bien qu’ils soient entourés de personnes bienveillantes, pas évident d’être à l’aise, encore moins lorsqu’ils sont questionnés sur leur situation, leurs parcours respectifs. Et puis, une fois la glace brisée, ils s’expriment aisément, efficacement. 

« Après avoir eu notre CAP, on ne pouvait pas être embauchés car nous étions trop jeunes, encore mineurs, il aurait fallu attendre encore un an chez nous d’avoir 18 ans… On ne savait pas trop quoi faire, en fait, nous voulions gagner notre vie », expriment les deux copains. Ces jeunes étaient alors suivis par Étincelle, une école de production, qui leur a permis de se former pendant deux ans sur un CAP chaudronnier. « Ils ont effectué leur CAP Chaudronnier, à l’âge de 15 et 16 ans, obtenant la mention bien. Mais n’ayant que 17 ans, difficile, voire impossible, de trouver un employeur. Ils devaient également gagner en maturité et monter en compétences. On ne pouvait pas les laisser ainsi », raconte Marie-Aimée Motte, directrice d'Étincelle, un organisme créé voilà trois ans pour répondre aux forts besoins de la région en matière de formation. Étincelle s’est alors tourné vers le Geiq EPE afin de proposer à ces deux jeunes un parcours en contrat de professionnalisation en s’appuyant sur de la VAE inversée. « Franchement, pour ces deux jeunes, la VAE inversée représente une aubaine. Nous n’avions pas la possibilité de leur ouvrir un contrat de professionnalisation classique du fait de la distance aux centres de formation [ils n’ont pas le permis] et la nécessité d’un accompagnement renforcé que nous continuons d’avoir en partenariat avec Étincelle. Grâce à cela, nous pouvons continuer à les former et leur ouvrir les portes de l'entreprise. Ils vont pouvoir acquérir un titre professionnel reconnu de soudeur-assembleur industriel », se réjouit Ophélie Caron, chargée de mission RH pour le Geiq EPE. 

Ainsi, en octobre dernier, Valentin a signé un contrat de professionnalisation de douze mois dans l’entreprise de chaudronnerie SITO (cisaillage, poinçonnage, pliage, soudure, découpe plasma) à Laon et Noah chez Religieux Frères, société centenaire spécialisée dans l’outillage agricole. La formation se fait en situation de travail, au sein de l’entreprise avec un tuteur-formateur. Le Geiq vient régulièrement s’assurer de la montée en compétence et valider les acquis par des phases réflexives. En fonction des besoins du parcours, le Geiq fait appel de manière complémentaire à des formations en lien avec Étincelle, un bon moyen de garder le lien. L’objectif est que ces apprentissages sur le terrain puissent ensuite être validés à travers un processus de VAE. « Nous aimons bien tout ce qui est manuel, particulièrement dans la métallurgie. Sans cette VAE
inversée, nous étions coincés, l’alternance nous permet de travailler en entreprise. Surtout, ça nous apporte une paie ! », expriment-ils sincèrement. Sans doute leur première paie, cet aspect est évidemment capital pour ces jeunes qui désirent ensuite être recrutés dans leur entreprise formatrice.

 

LES VERTUS D’UN DISPOSITIF TRÈS SOUPLE

« L’intégration de ces deux jeunes via ce nouveau dispositif de VAE inversée est un cas particulier, sachant que nous accompagnons trois autres personnes d’âges et de profils très différents grâce à cet outil. L’intérêt de ce dispositif est justement qu’il est très facilement modulable et adaptable à plein de situations, même si c’est un challenge pour nos équipes car les dossiers sont complexes à monter. Mais nous avions vraiment voulu répondre rapidement à la Fédération Française des Geiq qui avait remporté l’appel à projets pour cette expérimentation de TraGeiqtoires portant sur 400 contrats de professionnalisation. Nous nous devions de jouer le jeu », commente Ophélie Caron, très enthousiaste, qui a été secondée dans le montage des dossiers par Laura Gobeaux, assistante RH du Geiq multisectoriel EPE. 

Un outil de formation supplémentaire important concernant ce territoire, qui, justement, souffre d’un déficit en matière de formation. « Ici, nous sommes dans une région très pauvre, l’avant-dernière de France en matière de revenu par foyer, avec un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale. Ici, il n’y a pas de grande ville, pas de grandes écoles, pas de CHU… c’est compliqué. Les principaux secteurs d’activité sont l’industrie agroalimentaire, l’industrie cosmétique et l’agriculture. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de travail, mais le gros problème est le manque de formations », analyse Laurent De Clercq, directeur du Geiq EPE depuis dix ans. 

Alors il se réjouit de la création récente d'Étincelle, qui justement répond à un manque en la matière, sachant que les deux structures entament une première collaboration via la prise en charge de Valentin et Noah, qui eux-mêmes assurent la promotion de ce nouveau dispositif auprès de leurs copains. « En fait, nous assurions déjà ce type de dispositif en interne, depuis plusieurs années, via des contrats pro, mais cela restait limité car nous ne pouvions pas délivrer de diplômes ou titres professionnels aux bénéficiaires. Cela permet également d’améliorer considérablement le CV de nos salariés », poursuivent Ophélie Caron et Laurent De Clercq. Ils se sont emparés de cette VAE inversée, afin d’ouvrir un nouveau champ des possibles, découvrant par la même occasion que ce dispositif pouvait être utilisé dans des circonstances inattendues… Voilà qui a sauvé Valentin et Noah du désoeuvrement tout en leur insufflant une nouvelle énergie !

UN GEIQ MULTISECTORIEL IMPORTANT

Un des plus anciens et des plus gros Geiq de France, le Geiq EPE a d’abord été créé à Vervins, en 1994, avant de s’installer à Laon au début des années 2010. Aujourd’hui, son équipe de 20 personnes accompagne plus de 400 salariés, dans un rayon de 200 km autour de Laon. La qualité et l’innovation sont au coeur de son travail, auprès des entreprises comme des salariés. Acteur de l’emploi dans la région Hauts-de-France, le Geiq EPE s’inscrit dans une démarche responsable et sociale. Il compte actuellement une centaine d’adhérents, parmi lesquels on retrouve des grands groupes mais aussi des artisans, des collectivités et des associations.