À Mayotte, insertion et médiation par le sport

À quelque 8 000 km de l’hexagone, un Geiq récemment créé avec enthousiasme apporte des réponses concrètes à des problématiques locales. La formation de la première promotion d'apprentis éducateurs sportifs touche à sa fin, grâce à une volonté commune et une étroite collaboration entre la ville de Mamoudzou et les associations Pro’Active Force et Profession Sport & Loisirs. Rencontre avec les principaux et premiers acteurs de cette collaboration, en suivant le cheminement de Chamsidine, 29 ans, un de premiers bénéficiaires du dispositif.

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Joie et enthousiasme étaient de mise, début janvier 2023, à en juger par le discours prononcé par Habib Ben Chadouli, président de Profession Sport & Loisirs de Mayotte : « C’est officiel, la Fédération Française des Geiq a officialisé la création du Geiq Sport et Loisirs Mayotte en nous accordant la labellisation le 9 décembre 2022, suite à l’étude de faisabilité. »

Bonne nouvelle pour cet archipel de l’océan Indien, situé entre Madagascar et la côte du Mozambique, qui, outre ses problématiques locales complexes dont se sont fait échos tous les médias, connaît également certaines mêmes difficultés qu’en métropole : le manque de main d’oeuvre dans des métiers en tension. « Nous-mêmes, employeurs, connaissons des difficultés à recruter dans les métiers du sport et des loisirs. L’objectif de ce nouvel outil Geiq est donc de faciliter la construction de parcours d’insertion pour conduire des personnes éloignées de l’emploi vers une insertion professionnelle, tout en répondant aux besoins des structures employeuses », poursuivait Habib Ben Chadouli.

Depuis son allocution, la première promotion d’apprentis portée par le tout nouveau Geiq est arrivée à son terme ; ils sont quatre bénéficiaires à avoir suivi une formation dense de quelque 1600 heures sur 16 mois, afin de décrocher leur BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse de l’Éducation Populaire et du Sport), soit un niveau équivalent au baccalauréat. Parmi ce quatuor, Chamsidine, salarié en alternance au sein du Geiq et mis à disposition de l'association Pro’Active Force. « J’ai 29 ans, je fais de la danse hip-hop depuis que j’ai une dizaine d’années et j’aime m’occuper des jeunes. J’avais déjà passé mon BAFA en 2015 et j’étais attiré par le milieu de l’animation. J’ai d’ailleurs eu l’opportunité d’effectuer un service civique en tant qu’éducateur sportif et ce fut une belle découverte ! Je cherchais à me professionnaliser, mais je ne savais pas trop comment faire… jusqu’à ce que je sois contacté par Salim Anlimoudine, animateur bénévole de Pro'Active Force, qui m’a proposé cette formation pilotée par le tout nouveau Geiq », raconte le jeune homme qui, ainsi, allie ses deux passions que sont le sport et l’animation, en vue d’en faire son métier. « Je connais Chamsidine depuis longtemps déjà, un passionné de danse. Il était en métropole et je voyais ses stories sur les réseaux sociaux. Alors je l’ai contacté pour savoir s’il serait intéressé pour suivre une formation en contrat de professionnalisation, dans notre structure, qui justement cherche à se professionnaliser. Il est alors revenu et, après une période de bénévolat, il a pu signer un contrat et débuter sa formation avec nous. L’objectif est qu’il devienne notre premier salarié ! », poursuit de son côté Salim Anlimoudine, son tuteur au sein de Pro’Active Force.

 

Prendre en charge une jeunesse livrée à elle-même

« Chamsidine fait partie de notre première promotion de formation. Il termine son parcours avec trois autres jeunes, tous accompagnés par notre jeune Geiq », expose Nafissa Abdou, directrice du pôle formation et insertion au sein de Profession Sport & Loisirs. « Avant de participer à la création du Geiq et d’en assurer la coordination et le suivi, je travaillais déjà dans la formation professionnelle. Mais je ressentais une certaine frustration car je ne savais pas ce que devenaient ensuite mes stagiaires… Là, avec le Geiq, nous assurons formation et accompagnement intégral, donc je vois l’aboutissement », se satisfait la dynamique jeune femme. Comme ses partenaires, au sein d’un Geiq comprenant pour le moment neuf entreprises adhérentes, elle souligne que le dispositif a pu être mis en place grâce à la volonté de la Ville de Mamoudzou et de son service « Excellence sportive ».

D’importants moyens humains, matériels et financiers ont été débloqués afin de miser sur une ambitieuse politique à destination de la jeunesse, particulièrement dans son village périphérique prioritaire de Kawéni, l’équivalent d’un quartier dit « sensible » en métropole. « Un village prioritaire dans lequel beaucoup de jeunes sont en décrochage scolaire et éloignés de l’emploi. Un de nos objectifs est ainsi de contribuer à lutter contre l’oisiveté et la délinquance, qui s’accroissent de plus en plus avec des jeunes trop livrés à eux-mêmes… Le sport va à tout le monde, il est facile d’accès, pas besoin de théorie ! Outre occuper les jeunes, les activités sportives permettent de maintenir un lien social, d’échanger avec eux sur leurs envies, de les comprendre, ainsi que montrer les opportunités professionnelles que représentent les jobs dans le sport et l’animation pour les orienter ensuite vers des formations. Les besoins sont énormes avec ces nombreux jeunes non cadrés », racontent et analysent aussi bien Nafissa que Salim. Ils sont rejoints dans leur discours par Chamsidine, dont le parcours peut avoir valeur d’exemple, d’autant qu’il a l’enthousiasme communicatif : « Animateur sportif est un métier très riche, passionnant, il y a beaucoup à faire ! J’encadre des jeunes totalement déscolarisés, je veux les aider, leur montrer qu’il existe un autre chemin que la délinquance via les animations, le sport. Ces jeunes ont besoin qu’on s’occupe d’eux, pas qu’on les laisse comme ça livrés à eux-mêmes, notre rôle est important pour éviter des dérives. » Des opportunités intéressantes, d’autant que les besoins en emploi sont nombreux, et que le Geiq, à Mayotte comme en métropole, s’occupe de tout, de la prise en charge à l’accompagnement humain et administratif. Rassurant.

Profession Sport & Loisirs lancée il y a 10 ans

Créé en 1990 par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, le dispositif « Profession Sport » est mis en place afin de faciliter le développement de l’emploi dans le secteur sportif. À Mayotte, Profession Sport & Loisirs est une association créée en novembre 2014 et devient Groupement d’Employeurs (GE) en avril 2020. Sa vocation est de soutenir, promouvoir et de pérenniser l’emploi qualifié dans les métiers du sport et de l’animation, notamment par la mutualisation des moyens et des ressources humaines et en proposant des services d’aide et d’accompagnement auprès des associations sportives. Les principales missions de PSL Mayotte sont : la mise à disposition d’éducateurs sportifs qualifiés, l’organisation d’évènements et actions en lien avec le sport et les loisirs, l’accompagnement des structures employeuses du secteur, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu sportif, le développement des animations périscolaires et l’aide à l’insertion professionnelle dans le champ du sport. PSL Mayotte a porté une étude de faisabilité d’un Geiq Sport et Loisirs afin de permettre à ses adhérents de recruter autrement, grâce à des parcours d’insertion en alternance. Le Geiq a vu le jour en décembre 2022.