À 36 ans, Erwan affiche et revendique vivre un bonheur professionnel, tranquillement, sans être pour autant expansif. Juste un constat, après dix années passées comme solier-moquettiste, un métier déjà ancien mais en voie de raréfaction. « Cet artisanat a été fondé voilà plus de 100 ans, au début du XXe siècle, créant des générations de poseurs de sols, puis de moquette. Un métier très technique qui nécessite une formation poussée, car cela ne s’improvise pas », racontent presque en choeur Erwan et Laurence Bailly, codirigeante de la PME éponyme. Tous deux déplorent trop de méconnaissance et pas assez de reconnaissance pour cette profession, comme Jérôme Boulle, directeur du Geiq BTP Isère Drôme Ardèche depuis 2011, arrivé quasiment en même temps qu’Erwan. Les deux hommes se connaissent particulièrement bien, et s’apprécient mutuellement. « On voit bien sur le marché du recrutement que le métier de solier-moquettiste est très peu connu du grand public, contrairement à celui de peintre ou de maçon. Et ça ne va pas forcément s’arranger, puisque le CAP spécifique qui formait à ce métier a été arrêté voilà deux ou trois ans… Désormais, il ne s’agit plus que d’un module dans les formations en peinture, alors que ce n’est pas du tout la même chose. Faire connaître ce métier, qui réclame des bras, est un de nos plus gros défis à relever », détaille Jérôme Boulle, sous le double regard approbateur de Laurence Bailly et Erwan Chauvet.
Mais comment ce dernier a-t-il connu cette activité professionnelle si discrète ? « Comme souvent un peu grâce aux hasards que nous présente la vie. J’étais titulaire d’un BTS comptabilité et je m’étais lancé dans une formation pour devenir expert-comptable. Et puis j’ai tout stoppé en route car ça ne me plaisait pas, j’en avais assez des études et je voulais travailler. » Alors c’est là qu’on peut mesurer l’importance des jobs d’été exercés par les étudiants, puisque Erwan s’est très vite souvenu qu’il avait travaillé pour les établissements Bailly et que ça lui avait bien plu. « J’effectuais des petits boulots, puis je me suis adressé à l’entreprise Bailly pour lui faire part de mon envie de l’intégrer, sauf que je n’étais pas du tout formé… Alors nous sommes passés par le Geiq, dont Bailly est un des adhérents historiques, et ainsi j’ai pu intégrer la formation de solier-moquettiste proposée par la marque Gerflor, à Tarare, près de Lyon », poursuit Erwan. Effectivement, et c’est encore plus le cas aujourd’hui, comme il n’existe quasiment plus de formation professionnelle spécifique à ce métier particulier, ce sont les trois plus grandes marques françaises, des fabricants, qui organisent des formations dédiées. Erwan a donc été pris en charge par le Geiq il y a dix ans et a suivi un parcours de formation conséquent, lors d’une alternance de 18 mois, comprenant quelque 1000 heures d’enseignement.
"J'aime bien transmettre aux autres mon expérience"
Ainsi, depuis 2011, Erwan exerce sa profession avec art, devenant, au fil des ans, à la fois un modèle mais aussi un interlocuteur pour les nouveaux profils Geiq recrutés par l’entreprise Bailly. L’apprenti est même devenu quasiment tuteur puisque dorénavant, il accompagne et conseille les nouvelles personnes salariées en alternance via le dispositif Geiq. Sans vraiment l’avouer ainsi, il exerce un véritable rôle de mentor. « J’aime bien transmettre aux autres ce que j’ai pu apprendre, échanger, discuter. Je suis plus un référent qu’un tuteur et c’est important car il faut savoir que la plupart du temps nous travaillons seuls sur un chantier, et que les donneurs d’ordres nous demandent d’être de plus en plus rapides. Il faut tout analyser, alors j’essaie d’apprendre aux nouveaux les bonnes méthodes pour réaliser un travail de qualité, car c’est aussi l’image de l’entreprise qui nous emploie qui est en jeu », raconte Erwan, très modestement. Si ses employeurs le poussent à tenter le concours d’un des meilleurs ouvriers de France (MOF), il ne se sent pas encore prêt ; en revanche, pour accompagner et encadrer les jeunes, c’est avec plaisir. « On parle rarement des sols lors de constructions ou d’aménagements, alors que c’est très important. Solier-moquettiste est vraiment un beau métier, très technique, qui exige un grand savoir-faire. Aussi bien dans la pose que dans la préparation, qui nécessite d’avoir des connaissances poussées, comme en chimie, par exemple, afin de bien connaître les produits à utiliser, les compositions des matériaux à poser, etc. », termine Erwan.
Un parcours professionnel exemplaire et une fidélité à l’entreprise qui lui a fait confiance à ses débuts. « Franchement il y a une bonne ambiance dans cette entreprise familiale, c’est pourquoi je suis resté, naturellement, et que j’y suis toujours. » Servant de point d’ancrage, de mentor non officiel, Erwan est connu comme le loup blanc dans son secteur. Une figure de proue importante car il aime communiquer sa passion et peut, ainsi, attirer de nouveaux venus qui, comme lui voilà une décennie, n'avaient aucune idée que le métier de solier-moquettiste existait. Comme une implacable destinée.
Un Geiq historique et bien implanté
Le Geiq BTP Isère Drôme Ardèche fut l’un des premiers a avoir été créés, en 1995. Laurence Bailly s’en souvient d’autant plus que l’entreprise familiale, fondée par son père en 1981 et reprise par elle et son frère en 2007, était de l’aventure dès le départ : « Notre société est même l’un des membres fondateurs de ce Geiq et, plus de 25 ans après, nous en sommes toujours l’un des piliers, tant nous avons foi en ce système. Ainsi, depuis l’origine, ce sont quelque trente salariés que nous avons formés. Certains sont ensuite partis ailleurs, d’autres ont abandonné le métier, et aujourd’hui trois figurent dans notre effectif, qui compte treize salariés. »
Spécialisée dans les revêtements de sols souples, la PME Bailly réalise essentiellement des commandes publiques. Quant à ce Geiq, c’est aujourd’hui l’un des plus importants de France puisqu’il compte 140 entreprises adhérentes, avec actuellement 115 salariés en parcours de formation professionnelle, toujours en alternance. Côté effectifs, ce Geiq compte sept permanents, dont trois sur le terrain et quatre à l’administratif. Historiquement implanté à Salaise-sur-Sanne (entre Lyon et Valence), ce Geiq a ouvert des antennes à Grenoble et Valence. Depuis 1995, selon un rapide calcul de ses animateurs, quelque 1500 à 1700 contrats ont été signés avec des salariés.
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